La maladie de Crohn est une pathologie rare (environ 150 000 personnes en France), mais invalidante. De surcroît, il n’existe à ce jour aucun remède, et les traitements palliatifs entraînent des effets secondaires graves. Au vu d’un tel panorama, de plus en plus de patients se tournent vers des solutions naturelles telles que le cannabis dans les pays où son usage thérapeutique est autorisé, ou bien vers les produits à base de cannabidiol (CBD).
Effectivement, comme nous allons le voir, plusieurs études suggèrent l’utilité des cannabinoïdes (THC et CBD) pour réduire les symptômes de la maladie de Crohn.
Table des matières
Maladie de Crohn : causes, symptômes et traitements
À l’instar de la rectocolite hémorragique, la maladie de Crohn appartient à la famille des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI), au même titre que la rectocolite hémorragique. Elle est caractérisée par une inflammation anormale des tissus du tube digestif, provoquant des fissures et des gonflements très douloureux. Attention, il ne faut pas la confondre avec le syndrome de l’intestin irritable (SII), qui n’est pas provoquée par une lésion organique.
Des causes multifactorielles
Les causes de la maladie ne sont pas clairement définies. Cependant, il est communément admis qu’elle résulte probablement de plusieurs facteurs :
- Une prédisposition génétique : notamment la mutation du gène NOD2/CARD15 est fréquemment observée chez les personnes atteintes de la maladie ;
- L’hygiène de vie et l’environnement : la consommation de tabac, d’alcool et d’aliments sucrés pourraient favoriser la maladie ;
- Un déséquilibre de la flore intestinale (microbiote) provoqué par un dérèglement du système immunitaire : il attaque les “bonnes” bactéries présentes dans l’intestin provoquant l’inflammation de la paroi intestinale.
Dans la majorité des cas, la maladie se déclare entre 20 et 30 ans et touche légèrement plus souvent les femmes que les hommes.
Les symptômes de la maladie de Crohn
La maladie de Crohn provoque une inflammation chronique des parois du tractus gastro-intestinal. Bien qu’elle puisse toucher n’importe quel segment du tube digestif, l’inflammation est généralement localisée à la fin de l’intestin grêle (iléon) et/ou au niveau du côlon provoquant :
- Douleurs abdominales ;
- Crampes d’estomacs ;
- Nausées, vomissements ;
- Perte d’appétit pouvant entraîner une perte de poids ainsi que de l’anémie.
La pathologie provoque également des symptômes dits “non digestifs” tels que :
- Une fatigue importante ;
- Des malaises ;
- Des aphtes buccaux ;
- Un psoriasis (inflammation de la peau provoquant des plaques rouges) ;
- Une uvéite (inflammation des yeux) ;
- Un érythème noueux (boursouflures rouges et douloureuses sur les jambes et avants-bras)
Ces symptômes apparaissent sous forme de poussées dont l’intensité et la durée varient d’une personne à l’autre et sont suivies de périodes de rémission, également variables.
Traitements classiques
Comme nous le disions un peu plus tôt, la maladie de Crohn ne se soigne pas, mais il existe plusieurs traitements permettant d’agir sur certains symptômes de la maladie, notamment sur la douleur.
Les patients se voient ainsi prescrire :
- Des anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) type Ibuprofène en cas de crises légères ;
- Ou des anti-inflammatoires stéroïdiens à base de corticoïdes en cas de forte poussée. Cependant leur usage est limité dans le temps du fait des effets secondaires importants et du risque d’accoutumance accru.
Les symptômes de la maladie de Crohn étant dus à une réponse immunitaire trop importante, il est également possible d’agir au niveau du système immunitaire via l’usage d’immunomodulateurs.
Mais encore une fois, ce type de traitement peut entraîner des effets secondaires graves. En effet, l’inhibition du système immunitaire accroît le risque d’infections virales et bactériennes. Les patients sont donc généralement également sous antibiotiques, lesquels peuvent nuire à la flore intestinale et donc, in fine, aggraver la maladie.
Le cannabis pour traiter les MICI
Le cannabis est une plante médicinale utilisée depuis la nuit des temps pour ses nombreuses propriétés thérapeutiques, notamment pour soulager les crampes abdominales, les nausées et les vomissements.
Aujourd’hui, le corps scientifique se penche sur un possible traitement à base de cannabinoïdes, les molécules synthétisées dans le cannabis.
Le système endocannabinoïde
Si la médecine moderne entrevoit l’idée d’utiliser une plante comme le cannabis, c’est parce que le corps humain est doté d’un système endocannabinoïde qui régule des fonctions physiologiques importantes telles que la douleur, l’appétit, l’humeur ou la réponse au stress. On évoque le sujet dans un article dédié, intitulé CBD et stress !
Ce système synthétise des neurotransmetteurs appelés endocannabinoïdes capables de détecter et d’agir pour réguler les dysfonctionnements qu’il peut y avoir au niveau du système immunitaire, du système nerveux et du système digestif.
Les cannabinoïdes tels que le THC et le CBD imitent le comportement des endocannabinoïdes en se fixant sur les mêmes récepteurs. En d’autres termes, ils pourraient, eux aussi, avoir la capacité de réguler tout un tas de processus physiologiques dont : la douleur, l’inflammation, la nausée, les vomissements, la sensation de faim, etc.
D’ailleurs, le cannabis thérapeutique ainsi que certains médicaments formulés avec du THC et du CBD sont actuellement prescrits aux personnes qui suivent un traitement lourd pour stimuler l’appétit, réduire les nausées et les vomissements.
Le cannabis pour traiter la maladie de Crohn : études scientifiques
Aux États-Unis, environ 15% des personnes atteintes d’une MICI comme la maladie de Crohn consomment du cannabis pour soulager leurs symptômes. Bien que son usage soit répandu, il n’existe que très peu d’études sérieuses permettant de mesurer son efficacité.
Deux petites études seulement révèlent que la consommation de cannabis peut effectivement aider à diminuer la douleur, les nausées et les vomissements, sans pour autant avoir quelconque effet bénéfique sur la cause de la maladie, c’est-à-dire sur le processus inflammatoire. En d’autres termes, le cannabis ne permet pas d’en guérir, mais il peut aider à améliorer la qualité de vie. [1]
L’une d’entre elles [2], menée en double aveugle sur 21 personnes atteintes de la maladie de Crohn chez qui aucun traitement traditionnel n’est efficace, a permis d’obtenir des résultats encourageants :
- Dans le groupe des personnes ayant reçu du cannabis, 45% ont été guéris. Contre 1% dans le groupe de celles ayant reçu un placebo ;
- Une amélioration clinique a été observée chez 90% des sujets ayant reçu du cannabis contre 40% chez ceux du groupe placebo ;
- 30% des patients traités avec du cannabis ont été sevrés de leur dépendance aux corticoïdes ;
- Enfin, tous les patients ayant reçu du cannabis ont rapporté une amélioration de leur appétit et de leur sommeil sans effets secondaires significatifs.
Une autre étude [3], menée sur plus de 300 personnes, dont 17,5% consomment du cannabis, a permis de montrer que sa consommation permet de réduire l’intensité de certains symptômes tels que :
- Douleurs abdominales (83,9%) ;
- Crampes abdominales (76,8%) ;
- Douleurs articulaires (48,2%) ;
- Diarrhée (28,6%).
Le CBD et la maladie de Crohn
Comme nous venons de le voir, les études menées sur les potentiels bienfaits du cannabis sur la maladie de Crohn sont encourageantes. Cependant, elles ne permettent pas de savoir si ces bienfaits sont attribuables au THC, au CBD ou bien à l’ensemble de la plante.
Dans tous les cas, en France, le cannabis thérapeutique n’est malheureusement pas encore légal. Les personnes atteintes de la maladie de Crohn n’ont donc guère le choix : elles doivent se tourner vers les produits CBD. Serait-ce potentiellement utile ?
Action sur la réponse inflammatoire
Les symptômes de la maladie de Crohn sont dus à un dérèglement du système immunitaire provoquant une réponse inflammatoire si agressive qu’elle attaque les parois du tube digestif.
C’est pour cette raison que l’on prescrit des immunomodulateurs aux patients, pour moduler le fonctionnement de leur système immunitaire. Malheureusement, ces médicaments-là ne régulent pas, ils inhibent. Cela provoque une baisse des défenses immunitaires, ce qui accroît le risque infectieux.
Un jour peut-être, les scientifiques mettront au point un traitement à base de CBD capable de remplacer ces médicaments.
En effet, de nombreuses études [4] documentent les propriétés immunosuppressives des cannabinoïdes, et notamment du CBD. Bien que ses mécanismes d’action ne soient pas encore très clairs, il serait capable d’induire l’apoptose des cellules immunitaires, contribuant ainsi à réduire la réponse inflammatoire, et donc, dans le cas de maladie de Crohn, à potentiellement réduire les symptômes associés.
Effets sur les troubles de la motricité intestinale
La maladie de Crohn peut provoquer une forte diarrhée ainsi que des douleurs intestinales dues à une hypermotricité intestinale.
La présence de récepteurs CB2 au niveau du tube digestif a été démontrée [5], ce qui suggère une potentielle action régulatrice du CBD. En effet, celui-ci est capable, de manière indirecte (via la dégradation de l’enzyme FAAH), de stimuler ce type de récepteurs.
Ainsi, le CBD pourrait potentiellement aider à réguler le fonctionnement des intestins et réduire à la fois la douleur et la diarrhée associées. Cependant, cette action n’a pas encore fait l’objet d’études spécifiques.
Action anti-douleur et effets sur la qualité de vie
Outre sa potentielle action sur les récepteurs CB2 localisés dans l’intestin, le CBD pourrait également aider à diminuer la douleur.
En effet, le CBD agit sur la synthèse de certaines hormones. Plus précisément, il serait capable de favoriser celle de la sérotonine (aka hormone du bonheur), laquelle est impliquée dans la sensation de bien-être et de sérénité. Ainsi, la prise de CBD pourrait aider les patients à ressentir moins de douleur, ce qui pourrait, par effet domino, également améliorer leur qualité de vie.
En effet, des niveaux élevés de sérotonine favorisent :
- Un sommeil de qualité, et donc, un regain d’énergie pendant la journée ;
- Ainsi qu’un état émotionnel stable et positif
Propriétés antioxydantes
Certaines études récentes suggèrent un lien entre stress oxydatif et maladie de Crohn. En ce sens, bien que ce lien ne soit pas encore admis, les propriétés antioxydantes du CBD pourraient être intéressantes. [6]
De nombreuses études démontrent l’action antioxydante du CBD. L’une d’entre elles montre en effet qu’il :
- Empêche la synthèse de radicaux libres, lesquels sont responsables des effets du stress oxydatif ;
- Diminuer le nombre de radicaux libres en leur cédant un électron. En effet, les radicaux libres ont un électron en moins, leurs effets néfastes s’expliquent du fait qu’ils vont chercher cet électron dans le noyau de cellules saines.
La consommation de produits à base de CBD n’est sans doute pas suffisante pour réduire les effets du stress oxydatif. En effet, elle doit être associée à une hygiène de vie saine (pas de tabac, consommation d’alcool limitée, protection contre les UV, etc.). Cependant, cela reste un plus qui pourrait aider à faire pencher la balance en faveur d’une meilleure qualité de vie.
Prendre du CBD dans le cadre de la maladie de Crohn
Comme nous l’avons vu, plusieurs pistes intéressantes suggèrent que la prise de CBD pourrait aider à améliorer la vie des personnes atteintes de la maladie de Crohn, notamment en diminuant l’intensité de certains symptômes.
Cependant, il est impératif de demander l’avis d’un médecin. En effet, le risque d’interaction avec d’autres médicaments n’est pas nul, et puis, il est de toute façon préférable que celui-ci soit au courant afin de pouvoir effectuer un suivi efficace.
Quel CBD pour Crohn ?
Il existe foultitude de produits au CBD, et du moment que la qualité du rendez-vous, l’un n’est pas meilleur que l’autre ! Il s’agit avant tout de choisir un produit qui s’adapte à vos habitudes et à vos goûts.
Cependant, dans le cas spécifique de la maladie de Crohn, deux types de produits nous semblent plus adaptés que les autres :
- Les fleurs de CBD, qu’il est possible de consommer à l’aide d’un vaporisateur à herbe ou bien infusées dans une boisson chaude (avec de la matière grasse) ;
- Les huiles de CBD full spectrum, dont la consommation est simple et discrète, puisqu’il suffit de placer quelques gouttes sous la langue.
Ces deux types de produits sont les plus fidèles à la plante de cannabis en termes de composition. Et comme nous l’avons vu un peu plus tôt, l’usage du cannabis chez les patients atteints de la maladie Crohn est plus largement documenté que l’usage du CBD.
En effet, les fleurs comme les huiles full spectrum contiennent l’ensemble des molécules synthétisées dans le cannabis. Le THC y est présent à moins de 0,3%, ce qui est insuffisant pour provoquer le moindre effet psychotrope.
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Quid du dosage ?
L’efficacité des cannabinoïdes est intrinsèquement liée au dosage. Malheureusement, celui-ci dépend de tout un tas de facteurs inhérents à chaque individu tels que l’âge, le poids, l’intensité des symptômes, ou encore, la sensibilité aux cannabinoïdes.
C’est pour cette raison qu’il est recommandé de privilégier une approche graduelle : commencer par une faible dose et augmenter tous les 5 à 7 jours de manière progressive jusqu’à obtenir les effets souhaités.
Pour information, la dose maximale de CBD recommandée est de 1500 mg/jour.
Quels résultats peut-on espérer ?
Les bienfaits du CBD sur les symptômes de la maladie de Crohn n’ont pas été prouvés. Cependant, de nombreux malades utilisent le cannabis pour soulager leurs douleurs, stimuler leur appétit ou encore, améliorer la qualité de leur sommeil.
En somme, l’usage du CBD peut aider à incrémenter le bien-être et la qualité de vie, mais il ne s’agit pas d’un remède. Quoi qu’il en soit, il est fortement recommandé de demander l’avis d’un médecin.
Nos sources
[1] An overview of cannabis based treatment in Crohn’s disease, PubMed
[4] Cannabinoid-induced apoptosis in immune cells as a pathway to immunosuppression, PubMed
[5] Cannabinoid CB2 receptors in the gastrointestinal tract: a regulatory system in states of inflammation, British Pharmacological Society